QUELQUES CONSEILS POUR PASSER LA LIGNE D’ARRIVEE AVEC LE SOURIRE

L’été, c’est la saison des longues courses, celles qu’on appelle les “Ultra”. En course à pied, on parle de course ultra (ultra-fond, ultra-marathon ou ultra-trail) quand la distance à parcourir est supérieure à un marathon (42,195km). Il peut s’agir de course à plat ou de courses en montagne avec d’importants dénivelés positifs et des difficultés techniques de taille selon le type de terrain. Pour les courses à vélo, on parle de Granfondo pour des distances supérieures à 120 km et d’Ultrafondo pour celles au-delà de 160 km. Les dénivelés ascendants quant à eux peuvent être impressionnants et s’élever jusqu’à 8848m pour le Tour des Stations au départ du Châble en Valais. Défi unique au monde puisqu’il s’agit de « Se mesurer en une seule journée au dénivelé de l’Everest ».

Mais comment se prépare-t-on pour ce genre de compétition? Combien de semaines ou mois faut-il pour avoir toutes les chances de terminer une telle course? Comment et combien d’heures faut-il s’entraîner chaque semaine? Qu’en est-il de l’alimentation? Et pour finir, quelle importance a la préparation mentale et quel rôle le mental joue-t-il durant un tel effort?

 

Aujourd’hui, je choisis de vous parler de vélo, en vous racontant comment j’ai préparé mon premier Ultrafondo: c’était le Chasing Cancellara Berne Andermatt le 2 juillet 2021.

3h50, Michi – mon compagnon – et moi venons de garer la voiture devant le Stade de Suisse à Berne. Nous descendons les vélos du toit, remplissons les poches de nos maillots de barres énergétiques, vérifions les lumières sur nos vélos, enfilons nos casques et nous dirigeons vers le départ de la course.

Chasing Cancellara… un concept que j’ai découvert en 2018 et qui m’a très vite plu puisque, en plus de se mesurer à soi-même on se mesure à un grand champion cycliste, le Bernois Fabian Cancellara, alias Spartacus, médaillé olympique et vainqueur d’étape du Tour de France. Non seulement Fabian participe à toutes les courses qu’il organise sous son label, mais il est présent au départ et surtout à l’arrivée pour féliciter tous les coureurs et faire un selfie avec eux, quelque soit la météo du jour!

Cette fois-ci, je n’ai pas le temps de le voir au départ. Peut-être suis-je encore un peu “endormie”? Non, je suis certainement tendue à l’idée de rouler environ 10h pour relier la capitale au village d’Andermatt pour une distance de 210 km et 4500m de dénivelé positif.

Il fait encore nuit, les bénévoles nous remettent un gilet de sécurité que nous devront porter jusqu’à Innertkirchen, vérifient nos lampes et que les numéros de dossard sont bien apposés sur nos vélos et casques. 4h15, nous nous approchons de la ligne de départ, nos numéros sont appelés. 4h17 premier coup de pédale…

Rouler à vélo de nuit n’est pas quelque chose de courant, en tous cas pas pour moi. A vrai dire, je ne l’ai jamais entraîné! J’ai donc vite fait de me réveiller car il s’agit d’être très prudente. Premier défi: mes lunettes. Je n’aurai pas du les mettre sur mon nez car je n’y vois rien. J’essaie de les accrocher à mon casque mais elles ne tiennent pas et je ne peux pas risquer les perdre… Je les glisse à l’intérieur de mon maillot, tout ça en restant concentrée sur la route et sur mes “coéquipiers” du moment. Depuis quelques minutes je suis au milieu d’un groupe d’environ 8 cyclistes qui donnent le rythme et la direction. Ensemble, nous traversons la ville de Berne à un rythme soutenu. Nous savons tous que la course ne se joue pas au début, mais peut-être avons-nous tous hâte d’entamer le premier col qui nous attend après 100 km de “plat”. Les signaux GPS ne cessent de sonner autour de moi pour annoncer les maintes bifurcations à prendre. Enfin une ligne droite, nous sommes sur une route cantonale et rattrapons déjà d’autres cyclistes qui sont partis peu avant nous et qui visiblement ne sont pas aussi pressés que nous!

5h10, le jour s’est levé. Après 30 km de plat, nous empruntons une route qui nous amène à Schwanden à 1080m d’altitude. Cette première ascension s’ajoute aux trois cols alpins imposants qui nous attendent: le Grimsel, le Nufenen puis le Gothard par la vielle route appelée “Tremola”. Autour de moi, les cyclistes se dispersent. Michi s’éloigne non sans avoir essayé de me tirer pour que j’aille plus vite. Mais là, après 1 heure de course et au pied de la toute première difficulté d’une journée qui s’annonce très longue je n’ai pas du tout l’intention d’appulyer sur les pédales! Je sais que si je gère bien l’effort je deviendrai de plus en plus forte au fil des heures: un vrai « diesel » comme on dit…

Michi s’adapte à mon rythme car il s’agit de rester avec moi pour le tronçon plat le long des lacs de Thoune et de Brienz. C’est là que je pourrai en effet “m’accrocher” à sa roue (autrement dit profiter de son aspiration) pour gagner du temps et surtout économiser mes forces. Cette technique me connaît plutôt bien car je la pratique systématiquement avec lui lors de nos nombreuses sorties à vélo. Et c’est ainsi que nous avalons aisément les 50 km de plat pour arriver à Innertkirchen où le premier ravitaillement nous attend. Nous rendons nos gilets de sécurité, mangeons bananes, barres énergétiques et remplissons nos gourdes.

Je m’apprête à gravir le Grimsel, col que je n’ai encore jamais fait à l’entraînement. Est-ce un avantage our un inconvénient? A priori, quand je sais ce qui m’attend, je gère mieux l’effort et me motive à chaque étape importante de l’ascension. Le panneau indique les 26 km qui nous séparent du sommet. Petit calcul: sachant que je grimpe environ 800m / heure, j’aurai besoin d’environ 2h pour gravir les 1600m de cette montée interminable. Je décide de na pas regarder mon GPS par peur de me décourager durant cette première grosse difficulté de la journée. Plutôt que de regarder ma montre J’admire le paysage qui s’offre à moi et qui change au fil des kilomètres: de moins en moins d’arbres et de plus en plus de roche, des virages de plus en plus serrés puis… un lac et un court répit à plat avant les derniers virages à quelques 5 km de la fin. Là, à 30 minutes du sommet, j’ai l’impression de n’avoir plus de jambes. Pourtant, j’ai englouti du glucose il y a quelques minutes. Mais visiblement cela n’a pas suffi. Je vais alors puiser dans mes forces et arrive en haut à moitié rassurée par rapport à ma capacité de terminer cette folle journée.

Je me rue littéralement sur le prochain ravitaillement, servi à 2164m d’altitude. J’ai l’impression de brûler tout ce que j’avale et c’est là que je réalise que je n’avais pas assez mangé ce matin aux aurores. Difficile en effet de s’alimenter au milieu de la nuit!

La descente nous offre des paysages à couper le souffle. Et quel bien ça fait aux jambes et au dos de se relâcher un peu! Le repos est de courte durée puisqu’environ 20 minutes plus tard nous sommes déjà à Ulrichen au pied du fameux col du Nufenen. L’ascension sur près de 11 km présente une pente moyenne de 10%. Michi et moi sommes venus nous entraîner ici il y a quelques semaines. J’ai donc ce col en tête et sais à quoi m’attendre.

Pour la première fois depuis le début de la journée, je regarde mon altimètre et décide alors de me motiver en suivant régulièrement ma progression en terme de dénivelé. Nous en sommes en effet à 70% de la distance et plus de 50% du dénivelé total. Pour moi, le compte à rebours a commencé. J’aime les chiffres et me souviens que durant mes nombreux entraînements de préparation à l’Ironman, je faisais des calculs – de pourcentage, d’allure, de vitesse moyenne – pour me motiver et surtout passer le temps! Michi qui est resté à mes côtés a ralenti un peu car il souffre du dos. La position assise prolongée et l’utilisation des jambes en force sur les montées ont un impact indéniable sur celui-ci. A quelques virages du sommet nous faisons quelques pauses courtes pour lui permettre de se relâcher et d’étirer ses ischio-jambiers.

Alors que les autres coureurs semblent s’attarder un peu au ravitaillement offert sur le Nufenen, je préfère écourter ma pause et remonter en selle sans attendre. Il ne nous reste “que” le Gothard mais le souvenir de ses pavés sur plus de 2/3 de l’ascension m’inquiète. Mon dos commence aussi à me faire mal… Heureusement, les 25 km de descente jusqu’à Airolo sont un vrai régal pour le corps et pour les yeux. Déjà il y a quelques semaines lors de notre sortie de reconnaissance je me suis réjouie de passer par le Tessin, l’espace d’une heure ou deux!

Nous voilà au pied du Gothard. Plus que 900 mètres de dénivelé. Ma calculatrice interne se met en marche. Jusqu’à ce jour, je n’avais qu’une seule fois dépassé 4000m de dénivelé ascendant en une journée. C’était il y a 18 ans, j’avais 35 ans. Aujourd’hui je compte sur mon expérience et la force mentale acquise dans ma conquête de l’Ironman pour compenser ce désavantage lié à mon âge.

Un oeil sur mon compteur, 50m déjà… ou seulement. C’est à moi de choisir comment je le vois. Fatiguée, je trouve la force de voir le positif et me réjouis de ces premiers mètres qui me rapprochent de la fin. 50m: la mesure de mes progrès. Et je me dis “Aux prochains 50m ce sera déjà 100m donc 1/9ème de cette ultime montée!”. C’est à ce moment que je décide de célébrer chaque 50m supplémentaire en m’encourageant à haute voix. Et puis, je souris, je réalise la chance que j’ai de vivre cette expérience, de pouvoir compter sur un corps en parfaite santé, de partager cette passion avec mon compagnon. Les pavés ne m’inquiètent plus, je ne vois que les chiffres de mon altimètre, et les paysages à couper le souffle dans les hauts de la Tremola. Quand il ne me reste plus que 300m, je suis presque en transe. J’ai oublié mes douleurs et ne sens plus la fatigue. Michi et moi passons ensemble la ligne d’arrivée et puis, nous tombons dans les bras l’un de l’autre. Nous l’avons fait, nous sommes allés chercher nos limites.

10h30 d’effort, c’est aussi long que mon Ironman à Zürich il y a 3 ans. Et peut-être même plus dur physiquement…

A la fois fiers et soulagés, nous descendons pour rejoindre le village d’Andermatt où nous attend Fabian avec le sourire. Il est là depuis un peu plus de 2 heures je crois. Mais il est aussi sympathique qu’endurant!

 

Vous rêvez faire une course cycliste “ultra”? Voici quelques conseils pour la préparation d’une telle épreuve.

1. Préparation physique

Développement de l’endurance
A moins que vous soyez déjà habitué aux longs efforts, il faudrait idéalement commencer à se préparer environ 4 mois avant l’échéance.
– commencez avec 2 à 3 sorties hebdomadaires de 2h chacune
– augmentez progressivement le volume hebdomadaire à 7, 8, 9, 10 puis 11h
– augmentez également le dénivelé afin d’atteindre, à environ 1 mois de l’objectif, le 70% du dénivelé de la course sur une sortie et / ou le 100% du dénivelé sur 2 jours consécutifs

Gainage et souplesse
Rester en position assise durant 8 à 12 h est très fatiguant pour le dos. Pour éviter des douleurs aigües il est nécessaire d’avoir un dos fort et des ischio-jambiers souples.
– étirez votre taille, vos épaules et vos ischios 2 à 3x par semaine
– travaillez votre ceinture abdominale 1 à 2x par semaine
Voici quelques séances d’exercices utiles:
https://www.youtube.com/channel/UCM26-PEpLo28qOBPofv-vJA
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2. Alimentation
Préparer des efforts de longue durée entraîne un besoin énergétique accru puisque la charge d’entraînement augmente sensiblement au fil des semaines. Avant un entraînement long, on préférera manger des hydrates de carbone faciles à absorber (pâtes, riz, pommes de terre, pain, etc). Entre deux, il s’agit de manger certes davantage mais surtout beaucoup mieux en favorisant les graisses et les protéines.
– augmentez vos apports de “bonnes” graisses: noix, amandes, huile d’olive, huile de colza, lin, avocats, sardines, beurre de cacahuète ou d’amandes
– mangez des aliments riches en oméga-3: légumes verts foncés (brocoli, épinards, chou frisé)
– favorisez les protéines végétales: tofu, pois chiches, quinoa, champignons, graines de Chia/sésame/tournesol…
– en période de grandes chaleurs, faites une cure de magnésium pour combler la perte de sels minéraux lors de l’effort

 3. Préparation mentale

Je crois beaucoup en la technique de visualisation. Rien de tel en effet que de se voir passer la ligne d’arrivée et ressentir les émotions comme si elles étaient là pour trouver la force de se dépasser le jour J. Essayez plutôt!
– fermez les yeux… imaginez les paysages que vous traversez, respirez l’air frais, entendez les sons de la nature qui vous entoure
– voyez-vous surmonter les difficultés, les jambes font tourner les pédales avec aisance, vous avez le sourire aux lèvres, vous êtes fort!
– finalement imaginez la ligne d’arrivée et ressentez ce mélange de soulagement et de fierté qui vous remplit de joie et l’endorphine vous remplir de ce bien-être profond propre à ce sport que vous aimez tant!

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